Sophie DANGER - jeudi 27 mars 2008 - 17h50
Les récents massacres opérés par le gouvernement chinois au Tibet ont conduit Romain Mesnil à prendre position. Le perchiste bordelais a lancé l’idée de porter un ruban vert en signe d’attachement aux droits de l’homme.
pour Coach365.fr
Romain, vous êtes le premier athlète à vraiment avoir pris position concernant la tenue des Jeux Olympiques en Chine. Pouvez-vous nous expliquer quel est le cheminement qui vous a conduit à proposer de porter un ruban vert durant l’évènement ? Je n’avais pas vu alors d’images de ce qui se passait au Tibet car j’étais à tout autre chose. Et puis, le jour de la naissance de Titouan (Ndlr : son deuxième enfant), j’ai reçu un appel de la radio RTL qui m’a demandé mon avis sur le sujet. J’étais en train de marcher vers l’école pour aller chercher Sohan (Ndlr : son premier enfant), j’avais un peu de temps, et je leur ai dit OK. Je savais ce qui se passait là-bas mais je n’avais pas vraiment réfléchi à cela. J’ai essayé de donner mon avis. Il est en quelque sorte sorti de mes tripes. Et Petit à petit, cela a cheminé dans mon esprit et j’ai commencé à y penser un peu plus. J’ai voulu monter au créneau rapidement afin de montrer la prise de position d’un sportif, parce que mon avis est tranché, et que je pouvais me permettre de l’argumenter.
L’information a été relayée dans tous les médias, nationaux et étrangers. Avez-vous eu des retours de sportifs ?
Je n’ai pas eu de retour de l’étranger, mais j’ai eu des retours d’athlètes français. J’essaie de faire un peu le tour des sportifs afin de savoir s’ils sont intéressés et s’ils veulent bien soutenir une initiative de ce type. Les athlètes que j’ai contactés sont d’accord avec moi, en revanche, aucun ne veut prendre le risque d’être disqualifié pour les Jeux Olympiques. Il existe une charte olympique qu’il faut respecter, mais je voudrais malgré tout, faire avancer ce projet.
Il a été demandé aux sportifs de prendre une position tranchée sur le sujet et le boycott a souvent été évoqué. Pensez-vous qu’il soit normal que l’on demande à un athlète de renoncer à quatre ans d’efforts pour dénoncer l’attribution des Jeux à la Chine ? Non, je ne le pense pas. L’athlète ne peut pas être l’otage d’une décision qui n’est pas la sienne. C’est pour cela qu’on ne parle plus beaucoup du boycott pur, . Toutes les prises de position que j’ai entendues jusqu’ici, sont quasiment toutes contre. Tout le monde se rend compte qu’il est mieux d’aller à Pékin et de montrer, par un signe fort, son attachement aux droits de l’homme.
Vous sentez-vous néanmoins, en tant qu’athlète, investi d’une mission en vous rendant là-bas ?
Notre principale mission aux Jeux Olympiques est de pratiquer notre sport et d’essayer de gagner. Reste que les sportifs ont une conscience. On ne peut donc pas se rendre là-bas en faisant comme si de rien n’était. C’est pour cela que je propose cette initiative, sachant que, si on peut faire quelque chose en Chine, il faut le faire. Quoi qu’il en soit, une fois là-bas, je ne parlerai pas du tout des droits de l’homme. J’aimerai porter un signe comme ce ruban vert mais je serai complètement concentré sur la compétition , en faisant abstraction du reste. Mais il est possible, que me rendre à Pékin, sans manifester mon attachement aux droits de l’homme, me gênerait dans ma quête de performance.
Les athlètes n’ont aucune responsabilité sur le choix du pays hôte. En leur demandant de prendre une position ferme, on a l’impression que la responsabilité de ce choix leur incombe. Ne trouvez-vous pas cela disproportionné ? Oui, c’est un peu disproportionné. Mais il ne faut pas prendre les sportifs pour des pions. Nous sommes les acteurs de ces Jeux,nous avons une conscience, et nous ne pouvons pas être mis à l’écart.
Peut-on penser que le CIO remette un jour en cause sa méthode d’attribution des Jeux Olympiques avec ce genre d’initiative ? Il y a plusieurs personnes qui réfléchissent à une modification de la charte dans ce sens-là. Ce peut être un facteur….. Quand on relit les principes fondamentaux de la charte olympique, on s’aperçoit quelle n’est pas éloignée de la déclaration des droits de l’homme dans l’esprit général.
Allez-vous continuer dans cette voie ?
Au départ je me suis dit que je proposais une initiative afin de faire bouger les choses et que c’était déjà ça. Après réflexion, je me dis que c’est un projet qui peut avancer et j’ai envie de le mettre sur les rails. Par contre, à un moment donné, je dirai stop et je me concentrerai sur ma préparation. Pour l’instant, les échéances sont assez lointaines, je m’entraîne une seule fois par jour ce qui me laisse un peu de temps. Je me suis aperçu, tout au long de ma carrière, qu’il ne me suffisait pas de faire une seule chose à la fois. J’ai toujours besoin d’en faire plusieurs. C’est toujours délicat, mais c’est comme cela que je progresse . Ça m’occupe l’esprit en dehors de l’entraînement, ce qui me permet de ne pas penser qu’à la perche. C’est très important.
Avez-vous déjà réfléchi à la forme que cela va prendre ? Il faudrait partir de l’idée et faire en sorte qu’il y ait une structure qui puisse s’occuper de cela . Pour le moment, l’idée est de coordonner les sportifs qui souhaitent faire partie d’un projet éventuel et essayer de le faire avancer. On nous demande notre avis mais les grandes instances nous mettent un peu à l’écart. Je pense que nous sommes des acteurs sur le terrain et nous devons l’être également dans nos positions. Une action, à la fois des politiques, des médias et des sportifs est indispensable.
Pour finir, un petit mot sur l’entraînement ? Il fait un temps exécrable en ce moment, il pleut et il fait froid. Je suis donc en semi-repos. Je m’entraîne mais c’est moins intensif….